FEUILLE

 

du 22 au 28 septembre 2009

Feuille

ELEMENTS DE TENSION DANS UN PAYSAGE

Avant le tableau existe une tension intérieure qui cherche à se dire. A se dire et non à être dite, ni être mise en portée, musicale… ou autre.

Il s'agit avant tout de l'exercice d'une liberté concrète et par conséquent de la réaction à des contraintes. Puis il s'agit de la fabrique d'un vocabulaire, d'une grammaire ou quoi que ce soit qui instaure une cohérence. La règle d'un jeu.

Cette cohérence se bricole au fur et à mesure, avec bouts de ficelles, cagettes, clous et matériaux de récupération, pillant les bibliothèques et les champs d'ordures, glanant dans les galeries et les musées, la télévision et la publicité, volant à tout ce qui s'offre d'images, dérobant au vaste et considérable fumier qu'est la Culture.

C'est la saveur du bricolage et de l'absence de génie qui fait avancer la machine. On dit que le con qui marche va bien plus loin que le savant qui reste assis. En réalité le con ne marche même pas, il claudique, il rampe, il se meut par raccourcis, par à coups. Il invente tous ses chemins parce qu'il lui est impossible d'utiliser les boulevards ouverts aux armées en marche. Il fabrique un monde à sa dimension, il courbe l'espace pour aller droit.

Bien sûr cette tension n'existe qu'indicible, impensée, inorganisée et une part considérable de son énergie, parfois toute son énergie, ne sert qu'à franchir les obstacles en quantité.

Elle existe pourtant, fragile, insaisissable au début, elle agit souterraine et grise comme une taupe, elle progresse par failles successives analogies, accidents de terrain, facilités, difficultés, séductions et répulsions.

Son combat est de se dire et de dire le combat, car elle ne débarque pas armée et casquée comme une déesse. Elle est au contraire une boue livrée à des mains malhabiles. Elle n'est capable de se dire que par approximations successives en se restituant par les affrontements de formes et de masses et une violence de gestes.

La suite des ratages sur la toile aboutit soit à la fuite de la tension, soit à son suicide.

Je ne sais pas laquelle de ces deux fins possibles s'appelle un tableau.

Feuille / Juillet 2009

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